« C'est donc de vous que je parle, hommes de bonne volonté et de mauvaise chance qui êtes venus sur la terre à peu près en même temps que moi. C'est notre aventure que j'entreprends de raconter. La dure montée du siècle jusqu'ici. » Jules Romains renonça au ton lyrique de son premier projet de prélude aux Hommes de bonne volonté et ces phrases restèrent manuscrites. Elles sont pour nous riches de résonances. Car la grande œuvre qui reste, comme l'avait prévu son auteur, « la principale de sa vie », apparaît bien au lecteur d'aujourd'hui comme le récit multiple d'une aventure collective.
Mieux peut-être que les contemporains de Jules Romains – ceux qui étaient dans la première jeunesse le 6 octobre 1908 – nous percevons l'unité de ce massif romanesque, « votre pyramide », disait Martin du Gard, qui gagne à être contemplé d'un peu loin. « La dure montée du siècle », Jules Romains l'a vécue non en individu isolé mais en « être unanime », conscience et souffle vital d'innombrables existences simultanées. C'est d'une intuition de poète, perçue très tôt – il n'avait pas vingt ans –, d'un « émoi initial », pour reprendre ses propres termes, qu'est née sa vision de romancier.
 
Cet ouvrage a été publié à l’occasion de l’exposition « Jules Romains (1885-1972) », organisée par la Bibliothèque Nationale et présentée sur le site Richelieu, galerie Mansart, du 9 février au 25 mars 1978.