Gustave Geffroy, romancier et historien, fut, dans le domaine de l'art, un critique dont les jugements, par leur équité même, entraînèrent peu à peu une adhésion presque unanime. Il nous apparaît aussi – ses innombrables articles l'attestent – comme un témoin de son temps.
Gustave Geffroy a d'abord été un journaliste. Il s'est formé à l'école de Georges Clemenceau qui, avant de devenir lui-même un des plus grands journalistes de son époque, dirigea la Justice, qu'il avait fondée en 1880 avec Camille Pelletan. Le chef redouté du parti radical avait groupé autour de lui de jeunes hommes, remplis de talent et d'ardeur, qui évoquaient avec les survivants de la Commune rentrés en France, les souvenirs d'une lutte héroïque, et s'essayaient à la polémique sur les sujets les plus divers. Quelle maturité l'on découvre chez le jeune Gustave Geffroy qui publie, en 1887, ses Notes d'un Journaliste où il groupe, sous ces titres révélateurs : « Vie - Littérature - Théâtre », quelques-uns des articles publiés dans la Justice ! On les relit avec un intérêt qui ne cesse pas. Il aborde tous les sujets, les plus frivoles sans frivolité, les plus graves sans pédantisme, s'appliquant à tirer de chaque cas une conclusion, soit morale, soit sociale. Car il est à la fois un historien – « les journalistes, écrit-il, sont les obscurs historiens de la vie de tous les jours  » – et un moraliste, simple, humain, indulgent. Les spectacles si divers que Paris, et d'abord sa rue, pouvait offrir en ces années lointaines revivent pour nous. Tout cela traduit dans une écriture limpide qui est déjà d'un écrivain accompli ; et son mérite est grand de rejeter les procédés factices de style que les Goncourt, dont il est le disciple fervent, ont partout propagés. Et cependant Edmond et Jules de Goncourt comptent parmi ses dieux, avec Flaubert, Alphonse Daudet, Édouard Manet, Claude Monet. Gustave Geffroy sera par ailleurs l'un des membres fondateurs de l'Académie Goncourt.
 
Cet ouvrage a été publié à l’occasion de l’exposition « Gustave Geffroy (1855-1926) et l'art moderne », organisée par la Bibliothèque Nationale à l'occasion du 30^e anniversaire de son décès, et présentée sur le site Richelieu, Galerie Mansart, du 10 janvier au 2 mars 1957.