Albert Dürer
1471-1528
Maxime Préaud
Avec la collaboration de Madeleine Marcheix et Marie-Cécile Barthe
Préface par Étienne Dennery
Dürer a été un très grand peintre. Son « Adam et Ève » de 1507 resplendit d'une fraîcheur et d'un éclat éblouissants. L'un de ses derniers grands tableaux, les « Quatre Apôtres », témoigne d'une spiritualité ardente aussi bien que d'un art éprouvé de la forme et de la couleur. Ses propres autoportraits, celui de l'adolescent pâle, aux traits anguleux, au regard profond, celui du notable hautain, richement vêtu, celui du mystique au visage de Christ, sont le reflet émouvant d'une personnalité sûre d'elle-même. La précision ravissante de ses aquarelles, la pureté de leur coloris, dénotent un amour de la nature qui transcende le réalisme même. Le génie de Dürer a d'ailleurs largement dépassé les limites de son art. Il appartient à ce type de créateurs que la Renaissance a vu surgir, et dont l'esprit novateur embrassé les horizons les plus variés. Dürer est le pendant germanique de Léonard de Vinci : il a été graveur, peintre, dessinateur – mais il a été aussi géomètre, urbaniste, féru d'astronome, de sciences naturelles et même de mathématiques. À une époque où nait une science nouvelle, où Colomb vient de découvrir l'Amérique, où Copernic conçoit sa théorie sur le mouvement des astres, les plus illustres d'entre les artistes interrogent eux aussi l'univers et recherchent dans la connaissance le secret de la beauté.
Mais, quelle que soit la diversité de son génie, Dürer est avant tout un graveur. De tous les peintres célèbres, il est le seul peut-être qui soit plus réputé pour certaines de ses estampes, que pour aucun de ses tableaux. Son nom même évoque l'image de la Mélancolie ou des Cavaliers de l'Apocalypse. Il est le seul aussi qui ait consacré aux arts graphiques l'essentiel de ses efforts. Il avait tout naturellement d'ailleurs acquis dès sa jeunesse la pratique du burin dans l'atelier de son père, qui était orfèvre. L'Allemagne avait alors une position dominante dans la gravure, comme dans l'imprimerie, et Nuremberg une place privilégiée en Allemagne. Dürer lui-même eut pour parrain le plus important des imprimeurs de l'époque, Anton Koberger, qui venait d'installer ses presses dans la cité franconienne. À la mort de ce dernier, Dürer aura sa propre presse. Il signe d'ailleurs ses œuvres gravées et elles constituent son principal moyen d'existence. Il les fait vendre par des colporteurs, parfois même par sa femme ou par sa mère, jusque dans les foires. Il lui arrive, surtout à ses débuts, à une époque où l'imprimerie a tout le prestige d'une invention relativement récente, d'illustrer des livres ; plus souvent encore, il groupe ses gravures par séries, pour leur donner un caractère plus dramatique. Mais il a toujours considéré que l'estampe pouvait se suffire à elle-même. Et tandis que Rembrandt a tiré ses plus belles planches de ses tableaux, Dürer n'a qu'exceptionnellement utilisé la gravure pour la diffusion de ses peintures.
Cet ouvrage a été publié à l'occasion de l'exposition « Albert Dürer (1471-1528) » organisée par la Bibliothèque nationale à l'occasion du 500e anniversaire de sa naissance et présentée sur le site Richelieu, galerie Mazarine, du 12 octobre 1971 au 30 janvier 1972.
Informations pratiques
140 pages
- Bibliothèque nationale de France