Née des acides et du burin, la gravure est un art volontiers corrosif. Forte de ses possibilités de diffusion, elle a fait de la satire sociale et politique l'un de ses terrains de prédilection, tandis que l'humour noir représentait une autre tendance forte de son histoire, jalonnée par les danses macabres et diableries.
En rassemblant quelque cent soixante pièces parmi les enrichissements récents du département des Estampes et de la Photographie, l'exposition "Regard noir" entend montrer la vitalité de cette tradition caustique dans l'image imprimée, que cette tendance reprenne des formes classiques de la gravure – eau-forte ou bois gravé –, ou bien qu'elle adopte des modes d'expression nouveaux, comme c'est le cas des "graphzines", petits albums d'images nés à la périphérie de la bande dessinée.
Quelques exemples tirés des collections d'estampes du XX^e siècle s'efforcent, quant à eux, de montrer les sources de cette estampe satirique, les filiations qui s'établissent entre la fin du XIX^e siècle et notre temps, entre l'humour elliptique et cinglant de Valloton et celui de Topor, entre les pantins d'Ensor et ceux de Brus, entre le Grand Guignol de Marcel Roux et celui de Dado.
À côté de ces figures notoires, l'exposition entend faire une place aux noms moins connus de la gravure et de l'image imprimée. Ce faisant, elle se veut fidèle à l'esprit du dépôt légal qui a vocation d'accueillir toutes les formes d'édition, depuis les estampes originales issues de l'art contemporain jusqu'aux expressions plus proches de l'image de masse, de la bande dessinée, du dessin de presse. Qu'ils soient artistes, éditeurs ou imprimeurs, les déposants contribuent à enrichir quotidiennement les collections du département des Estampes et de la Photographie : l'exposition "Regard noir" leur est dédiée.
Cet ouvrage a été publié à l’occasion de l’exposition « Regard noir. Gravures-graphzines », présentée par la Bibliothèque nationale de France sur le site François-Mitterrand, petite galerie, du 16 juin au 30 août 1998.
 
Collection Cahier d'une exposition n° 29