Le climat où s'est formé le génie de Malherbe et où il s'est mûri, ce fut un milieu de magistrats et d'administrateurs provinciaux, nourris de lettres classiques, d'humanisme et de sagesse antique et chrétienne mêlée... Des exigences de clarté, de précision, de netteté, de sobriété, se posaient un peu partout spontanément en France, en provenance de toutes les latitudes, à l'aube du XVII^e siècle, tendances que Malherbe a puissamment canalisées en poésie.     
En 1585, il apparaît clairement qu'une certaine poésie s'achemine déjà à la rencontre des règles classiques, ce qui ne diminue pas l'importance de Malherbe, s'il est vrai que toutes les écoles ont des précurseurs. Malherbe ne l'emporte que vers 1620, et son action ne s'exerce auparavant que sur un petit nombre. Il se trouve qu'au moment même où cette évolution vers le classicisme s'annonce, on assiste au développement d'un courant baroque dans les dernières années du XVI^e siècle. Si l'épanouissement d'un art baroque dans l'Europe méridionale et occidentale n'est contesté par personne, l'existence d'une littérature baroque n'a été que récemment admise, dans laquelle on retrouve « ces caractères communs : goût de la liberté en art, donc refus des règles, des bienséances et de la mesure ; tendances irrationnelles, jeux d'esprit, amour de la nature, du mystère, du surnaturel, élan émotif et passionnel, peinture de sentiments ou de vices frénétiques et grotesques ». Il est bien remarquable que le premier grand ouvrage de Malherbe, les Larmes de saint Pierre, imité du Tansillo, publié en 1587, puisse être considéré comme un poème baroque. Baroque et classicisme ont coexisté dans le temps ; et lorsqu'on avancera davantage dans le siècle, d'autres tendances apparaîtront, qui apporteront leurs nuances particulières à la poésie de cette période.
 
Cet ouvrage a été publié à l’occasion de l’exposition « Malherbe (1555-1628) et les poètes de son temps », organisée par la Bibliothèque Nationale à l'occasion du quatrième centenaire de sa naissance et présentée sur le site Richelieu, galerie Mazarine, du 12 novembre au 5 décembre 1955.