On peut trouver Claudel plus puissant, Valéry plus lucide et plus artiste, Breton plus résolument audacieux. Mais Apollinaire est l'image même de la poésie, de ses élans et de ses métamorphoses, dans la première moitié du siècle. C'est que ce poète si présent au monde et engagé dans son temps est un poète sans frontières, ouvert à tous les appels et à toutes les impulsions. L'homme qui est mort le 9 novembre 1918 sous l'identité d'un officier français était né à Rome, trente-huit ans plus tôt, d'un père italien et d'une mère polonaise dont il porta le nom, Kostrowitzky, tandis qu'il forgeait de deux de ses prénoms le pseudonyme de Guillaume Apollinaire. Si les premières années de sa vie sont italiennes et méditerranéennes, ses horizons s'étendent ensuite à l'Ardenne belge et aux Pays rhénans, à l'Angleterre et à la Hollande, à l'Europe centrale qu'il parcourt en quelques mois de Cologne à Berlin, de Berlin à Prague, de Prague à Vienne et à Munich : chemins d'une Europe pittoresque et sentimentale qui peuplent son univers mental.
Cependant, Paris reste sa vraie patrie – Paris « joli », son « beau Paris » dont, « flâneur des deux rives », il connaît tous les secrets et tous les charmes : cafés où se retrouvent les amis, Criterion et Closerie des Lilas, Napolitain et Deux Magots, Départ et Crucifix ; hauts lieux de l'art, de la littérature et du journalisme, le Quartier latin, Montmartre, Montparnasse, Saint-Germain-des-Prés ; itinéraires mystérieux qui le conduisent et le ramènent de la rue Christine à Saint-Merry, du pont Mirabeau à la rue Saint-Guillaume... et, au cœur de la ville, la Bibliothèque nationale qui le célèbre aujourd'hui et que pendant des années il fréquenta assidûment.
 
Cet ouvrage est publié à l’occasion de l’exposition « Guillame Apollinaire (1880-1918) » organisée par la Bibliothèque Nationale à l'occasion du 50^e anniversaire de son décès, et présentée sur le site Richelieu, galerie Mansart, du 21 octobre au 31 décembre 1969.