Sainte-Beuve

1804-1869

Roger Pierrot
Préface de Julien Cain

Dans une lettre que, peu d'années avant sa mort, le 9 décembre 1865, il écrivit à Victor Duruy, et qui est une véritable affirmation de principe : « Le beau, le bien, le vrai est une belle devise et surtout spécieuse... Ce n'est pas la mienne, oserai-je l'avouer ? Si j'avais une devise, ce serait le vrai, le vrai seul. Et que le beau et le bien s'en tirent ensuite comme ils le pourront ! » N'y a-t-il pas là une limitation volontaire et qui explique les malentendus qui devaient se produire entre Sainte-Beuve et les plus grands de ses contemporains, qu'il s'agîsse de Chateaubriand, de Balzac, de Hugo ? Tout ce qui, en eux, lui paraissait excessif lui était aussitôt insupportable, et c'est pourquoi il les a si souvent méconnus quand il ne les a pas ignorés.
Ce n'est pas chez Sainte-Beuve, après qu'il se fut séparé du romantisme, que l'on peut suivre l'évolution littéraire du XIXe siècle. On suit mieux l'évolution de la société, qu'il scrutait à travers les auteurs de mémoires, les historiens, les publicistes. Quant aux écrivains qui devaient devenir des maîtres, s'il sut parfois découvrir en eux les promesses du talent, il fit pour eux peu de chose. Marcel Proust lui a reproché de n'avoir parlé qu'en termes charmants et brefs des Fleurs du Mal, « ce petit pavillon que le poète s'est construit à l'extrémité du Kamtchatka littéraire » et qu'il appela la « Folie Baudelaire ». Et l'on verra que lorsque le jeune Zola lui envoya sa Thérèse Raquin comme à un de ceux qu'il reconnaissait pour maîtres, sollicitant « une sévérité méritée ou quelques éloges fortifiants », il ne reçut, à défaut d'un feuilleton, qu'une lettre où l'œuvre était, à vrai dire, jugée remarquable.
Sainte-Beuve réservait ses Lundis à d'autres sujets qui lui permettaient d'exprimer ses vues sur ce qui l’intéressait vraiment, qu'il s'agisse d'histoire, de politique, de morale. Voilà ce que malignement Proust rappelle. La publication de son réquisitoire Contre Sainte-Beuve a rendu sensible à tous ce débat. Il est vrai que Marcel Proust commence par ces mots : « Chaque jour j’attache moins de prix à l'intelligence. » Dès lors tout l'oppose à Sainte-Beuve.
 
Cet ouvrage est publié à l'occasion de l'exposition « Sainte-Beuve (1804-1869) » organisée par la Bibliothèque Nationale à l'occasion du 150e anniversaire de sa naissance et présentée dans le Vestibule d'honneur du site Richelieu du 4 mai au 18 juin 1855.

Informations pratiques

Description
Broché, 67 pages
Date de parution
1955
ISBN/EAN
Editeurs
  • Bibliothèque nationale de France
Distributeur
Bibliothèque nationale de France
Disponibilité
Indisponible

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