Toute civilisation se réfère à un ou plusieurs textes majeurs. Mais il en est une, au moins, qui s'inspire d'un texte unique, fondateur, au plein sens du terme. Le Coran n'est pas seulement, pour tous ceux qui le lisent, la parole même de Dieu, transmise au Prophète Muhammad par l'archange Gabriel. Directement ou non, ce message a dicté la voix et les gestes d'une culture qui se veut rassemblée sous la bannière de l'Islam et préférentiellement exprimée dans la langue qui le fonda : l'arabe. D'où le soin apporté à ces signes, à leur écriture, à leur grammaire aussi : la pureté, ici, n'est pas d'ordre académique, mais, au propre, transcendantale. D'où la beauté, aussi, hommage attendu des hommes à une autre beauté, souveraine, et qui n'est pas de l'ordre d'ici-bas. D'où enfin, dans cette quête de sublimation, l'acte d'amour de la créature, en reconnaissance de l'autre, celui qui donne la vie au scribe, par un décret souverain et de toute façon imprévisible. Combien d'heures, de souhaits, de prières, là, sous nos yeux ! Combien d'autres Corans, à l'infini, d'un bout à l'autre du monde de l'Islam ! Et combien encore enterrés, avec leur possesseur qui les calligraphia, retournés au néant d'où ils furent tirés, avec leur maître, par le Juge suprême, infiniment compatissant et miséricordieux. Et surtout, par-delà tous ces textes, le même, infini, inscrit de toujours et à jamais dans le monde de l'ineffable, où le croyant sincère, sauvé, le contemplera un jour !
 
Publié à l'occasion de l'exposition présentée à l'Institut du monde arabe, à Paris, en 1987-1988, cet ouvrage présente un déploiement de manuscrits prestigieux du Coran conservés à la Bibliothèque nationale de France, s'échelonnant sur dix siècles et provenant de l'Espagne à l'Inde musulmane.